logo centenaire.JPG

CENTENAIRE DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE

(1914-1918)


Souvenirs de “poilus” de la Grande Guerre

Julien, Isidore et Pierre Le Guiniec


 

Dans le cadre des commémorations du centenaire de la Première Guerre Mondiale et de la signature de l’armistice du 11 novembre 1918, voici les souvenirs de trois soldats mobilisés et envoyés au front.

1418.JPG

#Cejourlà

Le 11 novembre 1918, à 5h15 du matin, c’est dans une voiture de chemin de fer arrêtée près de Rethondes, en Forêt de Compiègne, que fut signé l’armistice qui annonça la fin de la Première Guerre Mondiale.

Cette photographie a été prise juste après la signature de celui-ci et a été reprise par toute la presse internationale de l’époque. On peut y voir, au premier plan, le maréchal Foch, encadré par les amiraux britanniques Hope et Wemyss.

Trois hommes, mais aussi trois frères, Julien, Isidore et Pierre Le Guiniec sont originaires de Melrand, au sud de la Bretagne. Une famille de cultivateurs, comme tant d’autres à cette époque, mobilisés en 1914 pour rejoindre le 62e Régiment d’Infanterie, formé à Lorient.

Trois hommes, trois vécus, mais aussi trois parcours de guerre différents.

Ce projet, qui est une initiative personnelle, est un moyen de rendre hommage à mes trois arrières-arrières-grands-parents, dont je garde précieusement les photographies et les documents personnels et dont j’essaie de restituer l’histoire, afin de garder une trace de la mémoire familiale.

Mais comment retracer le parcours militaire de ses ancêtres ?

Premièrement et c’est le plus important, en faisant appel à la mémoire. En effet, la Première Guerre Mondiale est encore présente dans les esprits de nos grands-parents. Même si la mémoire se modifie légèrement avec le temps qui passe, certains souvenirs ou anecdotes marquent plus que d’autres et il n’y a rien de mieux que d’échanger sur le sujet afin d’en apprendre plus.

La deuxième étape consiste à minutieusement décortiquer les archives familiales qui sont généralement de précieuses sources d’information. Les lettres et les cartes-postales contiennent beaucoup d’éléments personnels mais aussi des mots sur le quotidien des soldats et sur la dureté de la vie dans les tranchées. Les documents militaires, comme les cartes de mobilisation ou les certificats de bonne conduite sont également une base importante pour commencer à retracer le parcours militaire d’un soldat. Ils permettent d’obtenir le n° de matricule ou encore le régiment d’affectation. S’ajoute à cela, la photographie, où on peut retrouver le numéro du régiment inscrit sur le col, les galons et les éventuelles insignes et surtout savoir si celle-ci a été prise avant ou après 1915, date d’apparition de l’uniforme bleu horizon de l’armée française.

La recherche dans les services d’archives, notamment pour retrouver les registres de matricules militaires, sont une troisième étape importante. En effet, c’est sur ce type de documents que sera scrupuleusement consigné l’ensemble du parcours militaire, les services et mutations du soldat, ses classes, les dates de mobilisation, les campagnes auxquelles il a participé, ses éventuelles décorations, etc. Selon le parcours du soldat, si il est “Mort pour la France” ou bien prisonnier de guerre, il faudra également s’intéresser aux archives “Mémoires des Hommes” du Ministère des Armées ou à celles de la Croix Rouge.

C’est donc un mélange de recherches historiques, d’archives privées et de souvenirs appartenant à ma famille, qui sont exposés ici, afin de raconter ces trois parcours de vie, transformés par la Première Guerre Mondiale.


JULIEN LE GUINIEC

Né le 27 novembre 1873 à Melrand - N° de matricule : 1763


Julien matricule.JPG

Etat de service

Selon son registre de matricule, Julien a été incorporé au 62e régiment d’infanterie à compter du 13 septembre 1894, en tant que soldat de 2e classe. Il y reçu un certificat de bonne conduite avant d’être envoyé en congés. Il passa ensuite dans la réserve de l’armée active le 1er novembre 1897, puis dans l’armée territoriale le 1er octobre 1907. Comme les autres, il fut rappelé à l’activité par décret de mobilisation générale du 1er août 1914 où il passa au 128e régiment d’infanterie.

Malheureusement, il fut blessé au Bois de la Guerie, le 6 janvier 1915. Une balle lui a transpercé le bras gauche provoquant “une ankylose presque complète du coude gauche et une abolition presque totale des mouvements de torsion”. Il est immédiatement transféré à l’Hôpital de Lyon où la Croix Rouge s’emploie à soigner les blessés de guerre.

Certificat de bonne conduite attribué à Julien Le Guiniec, le 24 août 1985, à Lorient.

 
 
45809601_192439038338434_5989816323633315840_n.jpg

Extrait de la lettre adressée à son épouse

“C’est une simple blessure au bras, laquelle m’a fait souffrir les deux ou trois premiers jours, mais maintenant ça va mieux et je puis te dire que je me trouve très bien soigné à l’hôpital de Lyon où l’on m’a évacué. […] Je ne vois pas d’autre chose à te dire pour le moment, si ce n’est d’!embrasser nos chers enfants”

C’est par lettre, écrite par une infirmière, que Julien annonce à son épouse qu’il est blessé. En effet, nous sommes encore à une époque où la langue régionale était la langue maternelle et beaucoup de bretons, de basques, etc, ne savaient ni parler, ni lire, ni écrire le français.

 
 
46137524_502275070273328_8076825809903419392_n.jpg

Pendant son hospitalisation, Julien continua à envoyer des lettres de nouvelles à son épouse et à ses frères. Sa blessure, bien que totalement cicatrisée, ne guérira jamais totalement. Il fut donc proposé à la réforme définitive avec gratification, qu’il obtint le 5 septembre 1916, lui permettant de rentrer dans son foyer.

 

Bien des années après sa réforme définitive, il répétait encore que son bras lui faisait beaucoup souffrir et qu’il aurait préféré que l’on lui ampute. Cela peut paraître brutal mais le rappel de la douleur est aussi un rappel de la guerre et de ses moments difficiles, sans compter la difficulté à exercer son métier de cultivateur.

Malgré tout, cela ne l’a pas empêché de continuer à vivre, comme on peut le voir sur cette photographie, où il travaille son champ du lieu-dit de Mané-Lann, à Melrand.


ISIDORE LE GUINIEC

Né le 17 décembre 1890 à Melrand - N°de matricule : 2088


 

Isidore Le Guiniec, portrait en uniforme, à Lorient.

 
 
Isidore matricule.JPG

Etat de service

Selon son registre de matricule, Isidore a été incorporé au 62e régiment d’infanterie à compter du 10 octobre 1911, en tant que soldat de 2e classe. Maintenu sous les drapeaux par application de l’article 33 du 21 mars 1905, il passa dans la réserve de l’armée active le 8 novembre 1913, avant de recevoir lui aussi un certificat de bonne conduite. Rappelé à l’activité par décret de mobilisation générale du 1er août 1914, il arriva au front le 9 janvier 1915. C’est au combat qu’il sera nommé caporal, le 30 octobre de la même année.

Le 14 mai 1916, il disparaît à Marne, dans la Meuse. En réalité, il est fait prisonnier de guerre à Absendung, en Allemagne. Il n’arrivera au centre de rapatriement de Cherbourg que le 10 janvier 1919, puis quittera le service actif.

Après consultation des archives de la Croix Rouge, dressant la liste des prisonniers de guerre de l’époque, un dossier mentionne bel et bien un caporal issu d’un régiment d’infanterie, répondant au nom de “Le Guiniec”.

Isidore Le Guiniec (premier à gauche) avec d’autres soldats.

 
45795680_192609218328682_2387743418458570752_n.jpg

Extrait de lettre

Dans un courrier écrit depuis l’hôpital de Lyon, Julien mentionne une lettre envoyée par son frère Isidore, lui informant de son obtention d’une croix de guerre pour fait de bravoure. Ce n’est pas mentionné dans son registre de matricule. Il semblerait plutôt que ce soit son régiment ou la division entière qui ait été récompensé.

Isidore Le Guiniec en train de labourer son champ à Broué.

Certificat de bonne conduite attribué à Isidore Le Guiniec, le 22 juillet 1919, à Lorient, soit quelques mois après son rapatriement d’Allemagne.

A ma connaissance, il ne s’est jamais exprimé sur ce qu’il avait vécu pendant la Grande Guerre et encore moins parlé de ses années de captivité en Allemagne.

C’est bien loin de sa Bretagne natale, dans les plaines de Broué, en Eure-et-Loir, qu’Isidore s’installa et continua son activité de cultivateur.


PIERRE LE GUINIEC

Né le 5 juin 1877 à Melrand - N°de matricule : 166


 

Pierre Le Guiniec, en uniforme, à Lorient.

 
 

Pierre Le Guiniec, dit “Gourbi”

pierre.JPG

Etat de service

Selon son registre de matricule, Pierre a été incorporé au 130e régiment d’infanterie à compter du 16 septembre 1899, en tant que soldat de 2e classe. Envoyé en disponibilité en 1901 avec un certificat de bonne conduite, il sera rappelé à l’activité par ce même décret de 1914 et rejoindra plusieurs régiments d’infanterie différents, jusqu’en 1917.

Père de six enfants, il sera automatiquement attaché à la classe 1887 pendant la durée de la guerre et retournera définitivement dans son foyer, le 3 avril 1918. En effet, les pères de plus de six étaient normalement réformés d’office. Il n’aurait donc pas du être mobilisé du tout.

Contrairement à ses frères, peu d’informations sur sa vie et aucun documents ne sont parvenus jusqu’à notre époque, en dehors de ces deux photographies prises durant la guerre.


Il y avait aussi Mathurin, l’un des fils de Julien, qui, en tant que Frère, aurait pu ne pas aller au front, mais se porta volontaire pour éviter qu’un père de famille ne soit envoyé au à sa place. Sans parler d’un cousin, un autre Julien, qui s’est vu remettre la Croix de Guerre pour fait de bravoure en éteignant un incendie provoqué par l’ennemi, etc.

Ces récits sont ceux de la famille Le Guiniec mais peuvent faire écho aux histoires d’autres familles. En effet, la Première Guerre Mondiale, c’est près de huit millions de soldats mobilisés, dont la moitié ne reviendront jamais …


Sources

Archives privées

Archives Départementales du Morbihan ( Matricules militaires du Bureau de Lorient )

Archives du CICR