RÉFÉRENCES


Itinéraire d’un ouvrier-perceur à l’arsenal de Rochefort


Prestation de services aux particuliers - Recherche historique et iconographique

Février 2019


Jean Guénant était un personnage fascinant . Né en 1825 à Nouic, un petit village de la Haute-Vienne, il a embarqué vers les Antilles à bord de la Proserpine* en 1846, pour finir sa vie en tant qu’ouvrier-perceur à l'arsenal de Rochefort, et ce jusqu’à son décès en 1876. ⚓️

Un parcours d’ancêtre intéressant à retracer mais compliqué en raison de la difficulté à rassembler des sources provenant de divers fonds d’archives, dont ceux du Service Historique de la Défense.

J’ai donc été contactée par son descendant qui souhaitait avoir plus de documentation autour de la vie de son aïeul, impliquant alors de rechercher le maximum de sources mobilisables.

La personne avait déjà effectué quelques recherches généalogiques, notamment dans les Archives Municipales des villes concernées et les Archives Départementales de Charente-Maritime, de Vienne et de Haute-Vienne. D’autre part, elle était en possession de l’original du livret militaire de Jean Guénant, établi aux Antilles en 1856, qui indiquait quelques éléments importants de son parcours militaire et professionnel.

Livret militaire de Jean Guénant, 1856Archives privées

Livret militaire de Jean Guénant, 1856

Archives privées

L’idée était donc de regrouper l’ensemble des informations connues afin d’explorer plusieurs pistes de recherche menant, sans surprises, vers le Service Historique de la Défense de Rochefort. En effet, les registres de matricules, les rôles d’ouvriers, les dossiers de pension et leurs nombreuses pièces justificatives révèlent beaucoup de la vie de nos ancêtres.

Après avoir vérifié l’exactitude des données préalablement fournies, j’ai donc commencé à rechercher les documents souhaités. Les recherches se sont avérées fructueuses puisque, au bout d’un mois, j’ai réussis à constituer un corpus documentaire intéressant.

J’ai alors pu retracer :

  • son parcours personnel (adresses successives, mariage, enfants, …)

  • son parcours militaire (détails de l’instruction militaire et des états de service au 1er Régiment d’Infanterie de Marine)

  • son parcours d'ouvrier à la Direction des Constructions Navales, puis à l’Arsenal de Rochefort.

Extrait du corpus documentaire envoyé.

Extrait du corpus documentaire envoyé.

Ainsi, j’ai notamment pu m’apercevoir que Jean Guénant était à l’origine un ouvrier-cordier de l’arsenal de Rochefort qui est devenu ouvrier-perceur un peu par défaut ! Avec l’essor du câble de fer et la naissance des cuirassés, le cordage en chanvre disparaît peu à peu des navires de la Marine. En 1862, les ateliers de la corderie ferment définitivement leurs portes et sont diversement réaffectés à d’autres services du port de Rochefort, dont la Direction des Constructions Navales. Cela explique le changement d’activité de Jean Guénant, peu fréquent, puisque la Marine de l’époque insistait beaucoup sur la notion d’apprentissage d’un seul métier et on ne passait donc pas d’un atelier à un autre. Selon les travaux de Martine Acerra, l’ouvrier-perceur préparait les avant-trous destinés à recevoir les clous, les gournables et les chevilles, garants de la bonne cohésion des pièces que les charpentiers conçoivent. Dans les ateliers, ils étaient généralement 2 Maîtres, 4 Contre-Maîtres et 50 ouvriers- perceurs, bien que les effectifs changeaient en fonction des demandes**. La plupart du temps, ils travaillaient directement dans les cales de construction.

Travailler sur ce sujet m’a aussi montrer la complexité des demandes de pension pour les veuves. En effet, le moindre événement ou changement dans la vie du défunt se devait d’être justifié à l’aide d’une pièce officielle émanant des communes concernées. C’est pourquoi, les dossiers de pension comporte de nombreuses copies d’actes divers qui permettait d’attester l’identité et la bonne foi de la demandeuse. C’est le cas pour celui de Jean Guénant, qui compte onze pièces jointes différentes***.

Un corpus documentaire numérique, regroupant un compte-rendu détaillé des recherches avec un état des sources et des éléments iconographiques (cartes légendées, extraits de documents …), ainsi que la copie HD de tous les documents d’archives retrouvés, ont été envoyés à la personne qui a donc pu découvrir les nombreux aspects insolites de la vie de son aïeul !

* Le HMS Proserpine était une frégate anglaise de 40 canons, construite en 1807, puis déclassée en 1865. Alors en surveillance dans le port de Toulon, elle fut prise en chasse par les français quelques années plus tard, puis abordée par la Pauline et la Pénélope après une heure de combat en mer. En 1846, elle partit vers les Antilles depuis le port de Brest.

**ACERRA Martine, Rochefort et la construction navale française 1661-1815, 1993, p. 127 à 129

*** SHD Rochefort, CC7P, Carton 15/Dossier 18, 1876